lundi 17 décembre 2007

L’euro fait souffrir Airbus

Airbus est-il contraint de délocaliser ? Les déclarations successives de Thomas Enders, directeur général d'Airbus et de Louis Gallois, patron d'EADS, sa maison mère, plaide en ce sens. De fait, Airbus est plus exposé que la plupart des autres entreprises à la montée du taux de change de l'euro qui, rappelons-le, à frôler les 1,50 dollar pour un euro ces dernières semaines. La première raison tient au fait que 76 % des composants intégrés dans ses avions sont originaires de la zone euro, tandis que les avions produits par son concurrent Boeing incorporent une proportion au moins équivalente de composants issus de la zone dollar.

La deuxième raison tient au fait que les productions du duopole qui domine l'aviation civile mondiale sont à peu près totalement substituables : face à la famille des A 320 et A 330 qui constituent le gros des ventes d'Airbus, Boeing propose des produits à peu près équivalents en performances comme en coûts d'exploitation. Dans ces conditions, Airbus est contraint, pour conserver ses parts de marché, d'aligner ses prix sur ceux de son concurrent. La concurrence est d'ailleurs d'autant plus forte que les aides d'Etat sont désormais étroitement surveillées et que les clients - les compagnies aériennes - opèrent désormais sur un marché du transport aérien largement dérégulé et n'ont donc aucune raison de ne pas chercher à acquérir les avions les moins coûteux.

De fait, la seule manière de survivre quand on produit dans une zone dont le taux de change s'apprécie est soit de produire des biens spécifiques, ou de diminuer ses coûts en sous-traitant dans des pays à plus bas coûts, certains sous-ensembles qui n'incorporent pas une main d'œuvre aussi qualifiée. La première stratégie est hors d'atteinte d'Airbus aujourd'hui, faute de disposer d'un réel leadership technologique face à Boeing, reste donc la seconde.

Pour autant, Airbus est-il réellement condamné à délocaliser massivement ses activités en zone dollar ? Le véritable enjeu n'est-il pas plutôt de faire baisser le taux de change de l'euro, manifestement surévalué désormais eu égard à la compétitivité réelle de l'économie européenne en comparaison de ses concurrents de la zone dollar. Aucune logique mécanique n'explique que le taux de change de l'euro soit à 1,50 dollar plutôt qu'à 1,20 ou 1,30 sinon l'état actuel des anticipations contradictoires des opérateurs sur les marchés financiers. Ce sont ces anticipations qu'il faudrait parvenir à changer ainsi que l'expliquent Anton Brender et Florence Pisani dans le numéro de décembre d'Alternatives Economiques. Une tache à la portée de la Banque centrale européenne selon ces deux économistes, qui pourrait décider d'agir en ce sens, maintenant que nos partenaires allemands, eux aussi, semblent se préoccuper du taux de change de notre monnaie commune.